L’Archevêque majeur de Kiev, Sviatoslav Shevchuk, n’a pas eu besoin de hausser le ton. Il a simplement nommé l’indicible : « Ce n’est plus une guerre, mais un massacre délibéré de la population civile. » Une phrase comme un coup de marteau pour ceux qui persistent à voir l’invasion russe comme un jeu géopolitique plutôt que comme la tragédie humaine qui se répète chaque nuit en Ukraine.
L’attaque massive du 19 novembre a fait des dizaines de morts et plus d’une centaine de blessés. Parmi eux, six enfants. Six. Et Shevchuk a rappelé les 668 autres enfants ukrainiens tués au cours de ces quatre années de cauchemar. Des chiffres qui devraient, à eux seuls, réduire à néant toute diplomatie d’euphémisme.
Au même moment, l’Ukraine commémorait le Holodomor — la famine organisée de 1932-1933, l’un des crimes les plus atroces du régime soviétique. Mais cette année, les bougies allumées pour les victimes semblaient éclairer un écho dérangeant : ce que la mémoire cherche à conjurer revient sous forme de missiles.
À Kiev, les représentants du Conseil panukrainien des Églises et organisations religieuses ont prié ensemble. Zelensky, assis au premier rang, a écouté la charge morale d’une cérémonie devenue avertissement. À ses côtés, les chefs religieux répétaient la même supplique : arrêter l’agresseur avant que l’histoire ne boucle son cercle tragique.
« Aujourd’hui, il est crucial d’arrêter la main meurtrière de l’agresseur russe », a insisté Hadil, au nom de l’Église gréco-catholique ukrainienne. Pas un effet de style : la constatation que la mémoire, sans action, n’est qu’un deuil discipliné.
L’Ukraine ne pleure pas seulement ses morts d’hier. Elle pleure pour éviter qu’il y en ait davantage. Et chaque missile tombant sur des civils confirme ce que Shevchuk a dit avec une clarté brutale : il existe des moments où l’humanité doit parler haut, même si le monde fait semblant de ne rien entendre.
Le Holodomor se commémore pour qu’il ne se répète jamais. Mais la pluie de missiles montre que, pour certains, l’histoire reste un manuel de répétition.
Et l’Ukraine en paie, une fois encore, le prix.
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